ETES-VOUS UN CHERCHEUR MISSIOLOGUE OU THEOLOGIEN ?
Cette question m’est
venue en tête quand je devais donner mon point de vue sur quelques projets de
thèses en missiologie qui m’ont été soumis pour avis et considération sur leur
conformité scientifique. Après avoir passé en revue les intitulés proposés, et
après s’être rendu compte de quelques écueils liés à la formulation de ces
projets de thèses, je m’étais mis à me poser un certain nombre de questions que
voici. Plutôt que de fournir directement des réponses, je me suis servi de la maïeutique
[de Socrate] pour faire réfléchir mes lecteurs et faire jaillir la vérité qui
se trouverait en eux. En lisant les lignes suivantes, j’ose croire que votre
feedback sera la réponse recherchée par ceux qui s’intéressent aux études
missiologiques.
(1) Différence entre recherche missiologique et
recherche théologique
En quoi les expressions
« Réflexion missiologique » ou « Etude missiologique » sont-elles
différentes de « Réflexion théologique » ou « Etude
théologique » ? Comme je l’ai soulevé dans l’un de mes ouvrages (Missiologie : Identité, formation et
recherche dans le contexte africain, 2011): En quoi une recherche
missiologique est-elle vraiment différente d’une recherche théologique ?
Si les candidats ne peuvent pas répondre à cette préoccupation, je crains que
leurs thèses ne soient qu’une continuité de celles à catégoriser dans la
rubrique de la théologie pratique. Dans ce cas, le débat qui a existé du temps
de Gustave Warneck, lequel débat continue de marquer certains milieux où
« missiologie égale une des branches de la théologie pratique ou de
l’histoire de l’église » (cfr. Bosch, Transforming
Mission, 489-498).
(2) La ligne de démarcation entre les études
missiologiques et les études non missiologiques
Cette observation est un
défi pour les « missiologues » en formation pourront suggérer demain.
C’est aussi un défi pour nous qui enseignons la missiologie dans les contextes
où les études missiologiques relèvent d’une nouvelle discipline en quête de
positionnement dans le corpus académique traditionnel. Nous devons déjà nous
prononcer là-dessus : En quoi les recherches missiologiques doivent-elles
se démarquer des recherches « purement » théologiques selon le corpus
en quatre branches hérité de l’allemand Schleiermacher (biblique,
systématique, historique, et pratique)?
(3) Qu’en est-il des sujets évangéliques et ceux
non-évangéliques ?
Une autre observation
intéressante porte sur des sujets en rapport avec les « évangéliques »,
les « non-évangéliques », etc. Cela me rappelle un de mes ouvrages,
ci-haut mentionné, où je pose la problématique de l’identité missiologique en
existence : « missiologue-évangélique-conservateur »,
« missiologue-œcuménique-évangélique », « missiologue-évangélique-œcuménique
», etc. Qu’en est-il de « pentecôtistes »,
« charismatiques », etc ? Comment tel sujet peut-il être
qualifié « d’évangélique » et tel autre de
« non-évangélique » ? Cela dépend-il de la « personne qui
se dit évangélique » qui traite du sujet, ou de la « méthodologie de
recherche évangélique » (s’il y en a !) ou encore du « sujet
lui-même qui serait d’emblée évangélique » ? Malheureusement, la
bibliographie citée dans certains milieux académiques ne tient même pas compte
de cette réalité « évangélique » ou « non-évangélique ».
Pour en réaliser la véracité, il importe simplement de consulter les travaux de
fin d’études, mémoires ou thèses produits ici et là à travers les instituions
théologiques de l’Afrique Centrale, pour ne citer que cette région à laquelle
j’appartiens et j’apprends à connaitre.
(4) Ma conclusion et mon vœu pour l’avenir de la
missiologie en Afrique (surtout francophone)
Ces quelques observations,
mieux préoccupations, non exhaustives de surcroit, m’ont toujours interpellé
depuis que je me suis intéressé à la missiologie en terme de spécialité à la
fois en théorie et en pratique. Je crains cependant que mes observations soient
traitées d’inopportunes ou des « préoccupations » d’ordre spéculatif
et non académique. Du moins, d’une manière personnelle, je le crois, tout
observateur averti ne s’en passera. Mon rêve à cet effet est de voir les
missiologues africains faire la part de chose entre par exemple
« l’exégèse théologique et l’exégèse missiologique » ; entre une
recherche historique faite par un historien séculier ainsi qu’un historien
théologien et une recherche produite par un historien missiologue ; un
travail de recherche culturelle menée par un anthropologue non-missiologue ou
un sociologue non-missiologue et celui produit par un chercheur
missiologue ; une recherche faite par un théologien de la théologie
pratique sur l’évangélisation ou sur l’encadrement des nouveaux convertis et
celle faite sur les mêmes sujets par un missiologue. S’il n’y a pas de
distinction, je recommanderai tout simplement qu’on cesse d’abuser l’adjectif
« missiologique » pour s’accommoder à la tradition
« théologique ».
Dr Fohle Lygunda li-M
Senior Lecturer:
African Christianity and Mission Studies
Head of the
Department of Missiology
International
Leadership University, Burundi.
www.iluburundi-ftm.org
flygunda@yahoo.fr
Bujumbura, 16 Dec
2012
No comments:
Post a Comment